C’est de la sorcellerie, un nom. C’est un seau de peinture jeté dans l’inconnu; la peinture épouse ta surface, définit tes contours, révèle tes traits. Il y en a cent, mille autres qui s’appellent comme toi, et j’en connais peut-être dix, mais dans ma bouche, tu sais que c’est toi que je pense, je sais que c’est toi que j’évoque. Toi.
Un surnom ne dit que ce que tu es pour moi, dans l’espace étriqué de notre rapport, ce que je perçois de toi. Ton nom te raconte entier, ton histoire et ton avenir, tes goûts et dégoûts, tes failles qui te rendent si humain et tes qualités que j’estime, tes peurs, tes espoirs et tes douleurs, au-delà des limites de notre interaction. Toi. Il n’appartient qu’à toi, tu ne fais qu’en prêter aux autres l’usage.
Comme un chem qui t’anime, il t’accompagne du premier au dernier de tes souffles, si indissociable de Toi qu’il te modèle autant que tu lui imprimes ta forme, au point qu’on se demande, parfois, si ton nom te va bien ou si c’est toi qui lui va bien, et on a beau tenter, on ne pourrait t’imaginer autrement nommé; il te positionne, t’annonce, te présente. Présenter. Rendre présent.
J’ai conscience de la magie des mots, qui peuvent faire ou défaire. On peut punir avec un nom. On peut planter les graines de la haine de soi, mauvaise herbe si vivace, aux racines si invasives qu’il faut parfois en changer pour pouvoir renaître à soi. On peut aussi épanouir, rassurer, accueillir, même jeté au cœur de la tempête, comme un phare, rappeler : peu importe ce qui nous divise, c’est Toi qui compte.
Ton nom te fait exister dans mon monde. Toi. C’est pourquoi j’en use si parcimonieusement : j’ai conscience qu’il n’y a pas d’incantation plus puissante. Il a le pouvoir de te matérialiser là où tu n’es pas. Je te promets de ne jamais t’invoquer en vain. Je te promets de ne jamais en user que pour te rendre hommage, honorer cette affection que tu me consens, et tout ce que tu es au-delà de ce que je te connais.
Extrait d’un petit carnet de table de nuit, octobre 2020
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