Archives – « ironies de l’immortel »

Aujourd’hui c’est pas un , c’est une partie de pèche dans mes vieilles archives sur le disque dur externe pour retrouver le texte que j’ai vite fait évoqué dans le bloguidien #4 d’hier sur l’écriture.

Je me souviens du contexte dans lequel j’ai pondu ce truc. J’avais 14 ans selon toute vraisemblance. J’étais en soirée dehors, attablée avec mes copains en train de discuter à fort volume et très certainement moi-même silencieuse et en retrait, comme d’habitude. Et puis c’est monté, d’un coup. Il y avait un quartier, un pont, puis un autre quartier entre le bistro où nous étions et chez moi, un petit quart d’heure de marche, que j’ai passé à réciter autant que je pouvais de ce texte en marmonnant (Je marmonne beaucoup. Si tu me croise en train de marmonner, c’est probablement ce qui est en train de se passer.) Je suis arrivée à la maison, j’ai attrapé ce que je trouvais pour écrire, et j’ai vomi ce texte le plus vite possible pour en conserver le maximum sans l’altérer, puis je suis retournée boire des verres avec les copains.

Le lendemain, je l’ai mis au propre dans un traitement de texte pour le peaufiner, puis j’ai décidé de ne plus jamais le toucher. Il porte encore l’annotation « fin à remanier », parce qu’il a une fin horrible de type « en fait c’était un rêve » dont je porte encore la honte à ce jour. Mais son côté nerveux et brut participe tellement de son impact que je n’ai jamais pu me résigner à en reprendre une ligne. Je ne l’assume pas vraiment, mais lui accorde toujours certaines tournures bien ficelées.

Le voici :



Les mimiques hideuses de l’idiot monstre qui dévoile au monde les horreurs de sa face simiesque !

Le monde s’en moque mais il est mesquin face au monde, et sa voix tonitruante résonne comme l’enfermement nihiliste d’une humanité renfrognée.

Et je me retrouve dans un rêve à cheval avec la réalité, où deux valets s’affrontent pour obtenir les faveurs d’un roi sans royaume. Le combat effronté se dresse comme un cri déchirant, avec toute l’insignifiance d’un château de cartes.

Me voici roi déshérité, à cheval sur une vérité à trois pattes ; bancale et incertaine…J’entends au loin le rire cynique d’une poule, mais je sens que si j’abaisse les yeux pour lui ordonner de se taire, je m’apercevrai qu’elle est géante. Et la poule couve, mais ses œufs n’éclosent pas, ils explosent. Et leurs éclats, vérité absolue, blessent l’âme.

La vérité, cruelle amante…

On passe son temps à l’éviter, la fuir ; avec l’intime conviction qu’alors d’affronter la vie, notre femme à tous, s’avèrera une tâche bien moins ardue…

Mon cheval s’écroule sous mon ventre, et le rideau s’ouvre sur un spectacle qui n’est désopilant que si l’on y assiste depuis les dernières loges. Mais je suis sur la scène. Je suis au centre de la scène. Je suis la scène. Et l’orchestre, qui s’en est rendu compte, cesse subitement de jouer d’un air horrifié. Les artistes se bousculent en une débandade effrayante, les rires fusent et fondent sur moi en une vague affolante. Elle n’est plus qu’un brouhaha assourdissant et cruel qui me transperce tout le corps et éveille en moi un insoutenable sentiment de culpabilité.

J’entends dans le trou du souffleur un bruissement de page frénétique ; là une voix murmure « La suite… La suite ! »

De droite et de gauche, il n’y a plus de coulisses. Plus que des murs qui semblent vouloir s’embrasser, et n’ont pas l’air de réaliser que je suis au milieu de leur route. Bientôt la culpabilité cède à un sentiment plus terrible encore : la panique. Abondante, nauséeuse.

Soudain le bruissement de page s’arrête. « Ah voilà ! Par ici la sortie ! »

Enfin je me réveille, dans un bain de sueur. Ces derniers mots résonnent encore contre les parois de mon crâne. Je rassemble mes idées, remets mon rêve dans l’ordre. Mon coussin se dresse alors sur ses quatre pattes, me regarde quelques instants d’un air entendu, puis continue sa route. Je le salue de la main. Il ressemble à un petit renard, sans oreilles et sans queue, et dans ses yeux de lémurien brille une intelligence indéniable. Si seulement tous les coussins pouvaient être aussi aimables !

Une odeur nauséabonde qui me calcine les sinus m’oblige à aller flotter dans d’autres sphères. Je quitte alors cette pièce qui est ma chambre, mais ne ressemble en rien à ce qu’elle était vingt-quatre heures auparavant ; (les murs semblaient s’affaisser sous le poids d’une énorme fatigue) elle avait l’air d’avoir perdu tout sens de la perspective.

Il faudra que je pense à affranchir mes meubles…

La pesanteur est lourde. Mais je continue de flotter. Derrière moi tout s’effrite. Pour laisser place à rien. Pas du vide, pas le néant. Rien. Un trou de matérialité.

Devant moi, les murs bombés disparaissent en s’écroulant brique par brique, le carrelage quadrillé se décompose sous mes pieds, pour laisser place à un ciel violet, où se croisent une lune et un soleil en une rotation opposée, alternant jour et nuit à une vitesse étourdissante. Je me sens légère. La lumière est dense autour de moi. Le temps s’est arrêté, l’atmosphère est solide, palpable. Une chaleur m’envahit, qui vient de l’intérieur de mon être et se diffuse en fourmillant à tous ses recoins. Mais mêlé au son lourd et sourd d’un vent que je ne sens pas, un bruit méconnaissable et régulier se rapproche. Sa mélodie et son rythme m’inquiètent. Pour certains il signifie un retour, pour moi… l’imminence d’un départ dont j’exècre même l’idée. La lumière disparaît, et laisse place à une blancheur aseptisée.

Un soubresaut anime une ligne immobile jusqu’alors. Puis un autre. Et un troisième. Ce son que je redoutais tant est à présent à côté de mon oreille. Mon corps est envahi d’un froid glacial qui, par son arrivée soudaine, me coupe la respiration. Le choc me redresse net. La douleur est intenable. Ah. Le voilà le bip. L’électrocardiogramme.

[texte à enrichir {fin à remanier]}

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