Tu veux faire du bikepacking mais t’es trop pauvre? T’inquiète, moi aussi. Et eux aussi. Et ils te proposent plein de tuyaux pour y remédier par toi-même, avec un tournevis, une machine à coudre et des chutes de bois.
Tu sais, y a environ 15 ans j’ai quitté Facebook, horrifiée, en citant Einstein
I believe that Gandhi’s views were the most enlightened of all the political men of our time. We should strive to do things in his spirit: not to use violence in fighting for our cause, but by non-participation in anything you believe is evil.
Puis je suis revenue au début du premier confinement en 2020 parce qu’il n’y avait plus que ça pour parler à d’autres êtres vivants. Puis je suis repartie, toujours plus horrifiée, en balançant une nouvelle fois cette citation. Et maintenant, sur Facebook, il n’y a presque plus d’êtres vivants.
Je recommencerais bien avec ma distanciation du Fediverse, même si cette fois ce qui me pousse à la porte ce ne sont pas les politiques des plateformes, mais bien les us des usagers.
Je la placarderais bien partout, cette citation, je me la ferais tatouer, je la mettrais en frontispice de tous les bâtiments d’importance… si elle n’était pas si longue. Il faudrait pouvoir condenser son impact en une poignée de mots lisibles en quelques secondes, pour que le quidam s’arrête dessus. Mais c’est impossible de réduire « not to use violence in fighting for our cause, but by non-participation in anything you believe is evil. » Chaque mot est essentiel. Chaque mot est pesé, et incroyablement important.
N’utilisons pas la violence pour défendre notre cause, et ne prenons pas part à ce que nous savons malfaisant.

La meuf, tellement elle pousse le vice de jamais rien faire comme tout le monde, le seul jour où elle doit mettre un réveil c’est un jour férié.
J’ai rêvé que j’intervenais (en qualité de quoi, aucune idée) dans un bâtiment aux allures bancaires à Genève, dans le quartier près de la gare, là où il y a l’ancien bâtiment des arts décos – un immeuble tout en vitres, noir et imposant, vraisemblablement construit dans les années 70, avec une géométrie un peu particulière.
L’organigramme et les méthodes de travail aussi avaient l’air d’avoir été construits dans les années 70 et jamais révisés depuis. Tous les comptables avaient une tête à fumer la pipe et à rentrer chez eux le soir pour trouver une petite femme en tablier qui leur avait déjà confectionné des friands à la saucisse pour grignoter avec leur Ricard post-boulot. Les machines n’avaient pas d’OS et le code était familier.
À chaque étage, il y avait un « petit peuple » différent, une tribu de petites créatures mythologiques auprès de qui je devais faire le médiateur pour régler un différend avec l’équipe locale. J’ai fait du très bon boulot, l’extrêmement antique patron de la boîte était tout à fait satisfait de ma prestation.
Quand j’ai eu fini, je suis allée à la cafet’ manger un morceau avec les employés, mais si je voulais de la verdure je devais la cueillir sur le dos d’une dryade du secrétariat, donc je me suis contentée des croquettes de patate aux lardons et de l’escalope de porc pannée.
Also fuck le matin.
Le doggo dingo dégueu se dégourdit à l’ïle d’Ogoz.
Jour de pluie. Je monte au studio, regarde par la fenêtre : le luxuriant jardin en pente, les chèvres dans celui d’à côté qui discutent en tintinnabulant, les nuages accrochés au flanc de la montagne, pas au loin là-bas vers l’horizon, mais juste là, devant, au fond du jardin. Je m’exclame « oh my gaaAAAAA », comme ça, pour de vrai, à voix haute.
Je suis venue en me disant que ça irait mieux ici – j’étais isolée, là-bas, tellement isolée, et beaucoup de ma propre initiative, je n’aimais pas le climat, je n’aimais pas l’environnement, je n’aimais pas mon voisinage, je ne rencontrais pas vraiment de personnes avec qui j’étais susceptible de m’entendre, enfin, je n’étais pas bien, là-bas – mais je m’étais mise en garde : changer d’endroit n’allait pas tout changer, il faudrait travailler pour ça. Au final je suis vraiment surprise de constater à quel point ça va tout seul, je suis plus stable émotionnellement que je ne l’ai été depuis des années, je sens physiquement que je me détends, corps mou, je dors, bien et beaucoup. Ça faisait des années que je n’avais plus autant lu, et écrit. Je me sens bien, ici. Parfois se coller intentionnellement des bâtons dans les roues c’est la meilleure des idées. Je regrette simplement de ne pas être arrivée en hiver, j’aurais adoré pouvoir célébrer la fin du déménagement en allant étrenner la Davos dans le jardin, puis me poser devant le feu de bois avec un chocolat chaud – même si j’aurais détesté déménager sur les routes verglacées et choper une bronchite à transpirer et respirer lourdement sous l’effort dans des températures négatives. Je me réjouis tellement de l’hiver prochain. Enfin, ça c’est tout le temps.
Je me suis fait avoir par mon GPS hier. Il a décidé que ce serait plus court de m’envoyer sur la route qui traverse le col de montagne le plus proche pour redescendre sur le plateau – oui, la route qui est fermée cinq ou six mois par année, là, celle où il y a un panneau « pas de service hivernal », qui ne permet le passage que d’une voiture en largeur, dont le seul marquage au sol est une ligne blanche sur l’extérieur, qui est agrémentée de petites zones de retrait à intervalles réguliers pour laisser passer un véhicule qui arriverait à contresens, et le long de laquelle il n’y a absolument aucun garde-fou.
Indécrottable optimiste que je suis, je me suis engagée dessus en me disant que ledit col n’est pas si haut que ça, en terme d’altitude. Arrivée à environ mi-chemin de l’ascension, au point où je pouvais admirer le départ du télésiège 200 mètres plus bas dans la vallée, depuis ce bord de route sans protection, sans aucun sapin pour arrêter la bagnole si elle devait se casser la gueule dans la pente, mon corps a décidé que la meilleure chose à faire était de démissionner. Je ne sais pas comment j’ai réussi à me regrouper suffisamment pour faire un demi-tour sur une de ces zones de dépassements et redescendre cette route de l’enfer en première, en petits à-coups saccadés de coups de freins, en tremblant violemment des pieds à la tête et me disant que je suis pas si paralysée que ça si j’arrive à faire cette manœuvre qui est mille fois plus risquée que juste continuer tout droit, que c’était pareil la dernière fois, quand je pouvais pas faire demi-tour et que je suis juste repartie en marche arrière sur une route de montagne, et que vraiment des fois ce serait pas désagréable de pouvoir juste laisser le volant à une autre personne qui a pas le vertige ou d’instinct de conservation ou de conscience du danger pour prendre le relais quand je suis un petit tas de caca parcouru de trémor, mais je sais même pas à quoi ça ressemblerait de descendre de la voiture dans des moments comme ça, alors passer du côté de la route où je suis tout au bord de la pente de la mort pour me mettre sur le siège passager… Je me suis faite doubler par deux cyclistes nettement plus courageux que moi qui ont entrepris cette montée de 700m de dénivelé avec des passages à 9% sous la pluie, avec leurs petits ponchos et leurs solides mollets, et j’ai récupéré ma contenance dès que la route est redevenue à double sens.
Hier j’ai fait demi-tour pour pas mourir, aujourd’hui j’ai envie de mourir de honte. J’ai habité plus haut que ça pendant des années, bon sang. Je me faisais la route Yverdon-Ste-Croix pépouse à 80kmh sans broncher, je la prenais parfois quand le blizzard la rendait impossible à complètement déneiger. Je grimpais aux Aiguilles de Baulmes à travers bois, empêtrée dans la neige jusqu’aux genoux, pour aller admirer le canton de Vaud 800m plus bas, à flanc de falaise. Bon, j’allais jamais tout au bord. Et puis les chemins sinuaient au milieu des arbres, ou je prenais les routes de maintenance qui étaient plus larges. Mais enfin, je suis venue m’installer ici pour retrouver les sensations incroyables qu’on ne vit qu’en se paumant dans une montagne, et v’là-t-y pas que je me retrouve statufiée de trouille à 1350m et que je passe le reste de la route à me raconter que je me mens à moi-même, je ne suis pas une meuf de la montagne, une meuf de la moyenne montagne tout au plus, j’aurais mieux fait de rester en bas à crapahuter dans mon marais plein de moustiques.
Ce vertige et moi, il va falloir qu’on parle. À partir du moment où il se met en travers de mon chemin vers l’aventure et qu’il pousse mon dialogue intérieur à se comporter comme un gros bully, il est plus le bienvenu. Il va pas m’empêcher d’apprivoiser ma nouvelle montagne, ce con-là. Je ferai autant de demi-tours sur route que ça prendra.

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