Du bon usage des smartphones #2, follow up

Marrant, ça, j’ai la pulsion d’écrire un article là-dessus sans me rendre compte qu’en fait on est bel et bien à l’échéance d’un mois de « sans smartphone » et que c’est l’heure du bilan.

Entre le moment où j’ai écrit mon dernier article et le moment où j’écris celui-ci, il s’est passé deux-trois trucs dans l’actualité : l’investiture de Trump a eu lieu, Musk fait des saluts nazis à la télé, Zuckerberg a décidé que c’était OK de réhabiliter des expressions comme « dégénéré » pour désigner les minorités – ce qui rappelle de vachement bons souvenirs – et drague les pauvres mecs paumés en mal d’estime de soi en leur vendant un fantasme viriliste qui les nourrit d’idéaux martiaux et les dresse à leur insu à devenir de la chair à canon… Et vu que c’est la tech de ces enflures que nous trimballons volontairement dans nos poches en toute connaissance de cause, comme une stasi portative à laquelle nous fournissons des renseignements en temps réel à toute heure du jour ou de la nuit, non seulement je suis plus que jamais en accord avec ma démarche, mais en plus je commencerais à y entrevoir une certaine urgence… Dans ces rares moments où mon téléphone se connecte sur mon réseau WiFi avec une OS non dégooglisée, je me dis qu’il y a danger.

Jusque là, le bilan est plutôt bon et pas désagréable. Pour la partie téléphone / SMS, le dumbphone, c’est très bien. Je ne prends plus jamais mon smartphone quand je suis à l’extérieur (sauf pour les trajets en voiture) et c’est… libérateur. Impossible de réchapper aux émotions négatives en se précipitant sur un réseau social, certes, mais ça permet de s’en occuper plutôt que de les éviter, et il n’y a pas de distraction pour les moments épanouissants et réparateurs, ça permet de faire de nouvelles connexions. Avec son environnement, avec les personnes autour, avec l’instant présent, et tout ça fait beaucoup de bien.

Dans les changements qui me font bizarre, plus rien ne traque le nombre de pas que je fais ni le nombre de kilomètres que je roule et je dois me faire confiance pour maintenir mon niveau d’activité – et je suis sûrement en train de surcompenser un peu. Je ne pense pas remplacer cette fonction par un tracker d’activités. Ça suffit, la course à la performance et la gamification de tous les aspects de nos vies. C’est en quelque sorte une obligation de retourner à une pratique sportive pour le plaisir et réapprendre à faire confiance aux informations transmises par le corps…

Le smartphone n’a plus de carte SIM, donc plus de connexion. Il ne peut plus être en ligne que via un réseau Wi-Fi, donc je ne le sors qu’à la maison et je redécouvre la joie du pauvre de se coller à un hot spot quand j’en ai vraiment besoin à l’extérieur (ce qui est arrivé une fois). J’ai désinstallé tous les navigateurs pour ne plus avoir la possibilité de doomscroller. Cantonner les applis de messagerie (cryptées!) à l’ordi de bureau et quitter (ou faire un gros hiatus, en tout cas) les réseaux sociaux (enfin, le réseau social, dans mon cas) était sincèrement la meilleure idée du monde.

J’ai supprimé mon compte spotify dans la foulée par ras-le-bol absolu de l’économie du streaming et déterré mon lecteur audiophile (un FiiO X1). Pas de connexion internet ou bluetooth dessus, on ne peut pas « téléverser » autrement qu’en copiant sur une carte microSD. Il y avait un petit soucis avec la molette de navigation qui faisait du staggering dans les menus, je suis allée regarder s’il y avait moyen de trouver des pièces pour la réparer facilement et ai découvert non sans surprise qu’il s’agissait d’un bug de l’OS et que le fabricant avait mis une MAJ en ligne en 2022 – cet appareil est miraculeusement encore maintenu. Problème de molette réglé, et puisque le stockage max est de 128go et que la carte qui est dedans en fait 32, j’ai acheté une nouvelle carte SD dans la foulée. En même temps qu’un SSD M.2 de 2to et un orange pi 4A (pour lequel il va falloir que je modélise un boîtier parce que j’en ai pas trouvé) pour bricoler un petit NAS pour que la musique (et les films, et les séries, et les installers de jeux) soit facilement accessible en local depuis toutes les machines de mon réseau. Ça, c’est pour la partie « audio ».

Je reste handicapée par la partie GPS / PDA. Impossible pour moi de me passer d’un outil de navigation ou d’un agenda. L’un ou l’autre sont individuellement relativement simples à régler. N’importe quel pi avec un écran peut servir d’agenda électronique et il existe des GPS dédiés. Ça fait un mois que je pèse mes options. J’ai regardé du côté des PDA pros qui ne sont tout bonnement pas une solution; on se retrouve avec les mêmes problèmes d’OS mais pour un prix bien plus rhédibitoire qu’un fairphone ou l’achat d’occasion d’un autre smartphone compatible avec une OS alternative, et franchement je n’ai vraiment pas envie de mettre de 400 à 800 balles dans un agenda électronique et un GPS.

J’ai louché du côté de /e/ OS qui a la particularité d’offrir, en plus de la liste des appareils supportés, un kit de déploiement assez simplifié mais pas encore assez pour moi, je me sens pas à la hauteur d’attaquer ça et bricker mon smartphone, j’ai pas les moyens de merder.

Je regarde avec beaucoup d’insistance du côté du tinkering et beaucoup de bidules retiennent mon attention : les modules GPS, la TOFU qui tourne avec une raspberry compute module 4 et comporte entre autres choses un slot micro SIM, les displays avec beaucoup d’interrogations vis à vis du rapport économie d’énergie / lisibilité / facilité de navigation… et tout me ramène aux mêmes problématiques : le volume de la bidouille complète dans la poche, comment quoi la batterie, et je veux bien 3D print un case mais ça ne sera pas nécessairement le plus résistant, précis ou étanche. Je me demande aussi s’il vaudrait mieux bricoler un PDA / GPS tout-en-un sur la même logique d’utilisation qu’un smartphone, ou deux appareils distincts et changer d’habitudes.

Et puis aujourd’hui en cherchant justement un module pour un hypothétique bricolage, je suis tombée sur un article qui parle du Liberux (on dirait presque qu’ils ont ouvert leur compte mastodon aujourd’hui, d’ailleurs, tellement c’est tout frais) qui, à l’image du Pinephone ou du Gemini PDA, ressemblent fort à des rêves devenus réalité, des fantasmes super ciblés (et je suis dans le cœur de cible) mais qui dépendent fortement de crowdfundings qui trois fois sur quatre n’aboutissent jamais à rien, et / ou dont les modèles sont discontinués à la vitesse de la lumière, et / ou dont les tout petits stocks sont très peu renouvellés, et / ou qu’il faut précommander au risque de ne jamais voir arriver son appareil, et / ou qui coûtent la peau des fesses.

En bref, la transition se fait gentiment, mais je rame toujours pour certains points et aucune solution magique ne m’est toujours apparue. Et ça m’attriste, parce qu’avec ce qui se profile (enfin, ça ne se « profile » plus, c’est là), je pense qu’il est extrêmement important et urgent de reprendre la main sur nos systèmes de communication, et le plus vite possible. Ça ne devrait pas être considéré comme une marotte de techno-enthousiastes vaguement paranoïaques. Pas au point où ça ne coûte plus rien de faire des saluts nazis publiquement, et on peut s’en sortir en prétendant qu’on envoyait des cœurs. Parce que dans moins longtemps que vous ne le croyez, ça deviendra risqué de tenir ce genre de propos sur son téléphone.

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