Gamergirlog

du 24 février 2025 : « Les jeux vidéos qui t’ont marqués à vie. » LES jeux vidéos? Ohr.

Quand j’étais petite, c’est Loom qui m’a le plus marquée. C’était joli, c’était musical, c’était poétique, c’était comme se promener dans une peinture et dans une histoire. Je chante encore régulièrement le thème, j’ai remplacé la stridence du 16 bits par des fausses notes volontaires et un peu trop de volume. Ça te regarde pas. Si ça t’embête t’as qu’à changer de pièce. Je me souviens encore de quelques sorts, notamment le sort d’ouverture : E C E D

Et puis un jour mon père a ramené Atlantis et mon pauvre cerveau a explosé. Je me souviens avoir pensé « ça y est, on a atteint le plafond, ça va pas être possible de faire plus beau que ça ». Je crois que depuis je me dis ça tous les deux à quatre ans, environ.

Puis j’ai commencé à émuler, et parce que comme dans ma famille on était pas bien riches mais surtout on était team Sega, j’ai découvert le catalogue de la super Nes et en particulier la saga Seiken Densetsu, et en particulier l’opus 3, qui n’avait jamais été porté en-dehors du Japon et dont on ne trouvait que des traductions artisanales un peu cassées, et je suis immédiatement tombée amoureuse de ses artworks d’une beauté époustouflante, mais aussi du gameplay super original. Je suis pas trop une meuf à RPG d’ordinaire, le tour-par-tour et les arbres de compétence ça me tend, j’ai pas d’exutoire pour mes pulsions à la con de, je sais pas, me jeter dans les trous, me battre avec beaucoup trop fort pour moi, faire de la musique avec les dialogues de PNJ, bref, tout ce que je peux faire avec un ARPG comme Seiken, mais en plus tu peux modifier ton posse pour avoir plusieurs narratifs et twists différents, et en plus tu peux jouer tous les personnages, et en plus tu peux jouer avec deux potes si tu veux. Et j’aime trop le système de menu. Et le système de changement de classe basé sur le loot qui est aussi original que monstrueusement frustrant. Et en plus tu peux rider un dragon ou une tortue rasta. Et en plus y a un thème du monde de la neige qui est juste trop beau.

Et puis j’ai récupéré une PS1 et ça a été re-claque avec re-seiken avec Legend of Mana où on repasse à de la 2D mais avec les performances de la playstation donc c’est comme se balader dans des tableaux de John Howe version kawaii et c’est vraiment sublime. On reste sur un ARPG, et c’est fort appréciable, mais y a aussi de la stratégie, et je peux pas t’en dire trop si je veux pas spoiler, mais ce système de jeu est complètement unique, juste ahurissant, et j’ai beau poncer le jeu dans tous les sens depuis plus de 20 ans, j’ai encore jamais réussi à le finir à 100% ni à faire une partie « correcte ».

Et puis j’ai récupéré une Dreamcast et dessus il y avait tout un tas de jeux qui sortaient complètement des clous en terme de graphismes mais aussi de gameplay et celui qui m’a le plus bluffée n’est pas forcément celui auquel j’ai le plus joué, mais difficile de ne pas rester mâchoire pendante devant Rez . Les trois que j’ai vraiment beaucoup joués sur cette plate-forme c’est Jet Set Radio, qui est super beau, super original et super injouable, et les deux Sonic Adventure qui sont pas franchement très jolis, ont des histoires complètement teubés, sont un cauchemar à manier et sont à l’origine des mythiques mouvements de caméra des jeux Sonic en 3D qui te tuent une fois sur trois en te foutant hors-champ brutalement, objectivement je sais bien que c’est des très mauvais jeux, en plus la bande-son est insupportable, mais Sonic <3. Et j’ai passé beaucoup trop de temps à élever des Chaos et dépensé beaucoup trop d’argent pour mettre des piles dans ma VM pour aller chercher des graines pour faire pousser des arbres pour donner des fruits à mes chaos pour les faire évoluer, et ensuite me moquer des gens avec leurs Tamagochi.

Et puis j’ai récupéré une gamecube et j’ai pris une claque visuelle gigantesque avec Baten Kaitos, que je regarde les gens jouer parce que je trouve le gameplay insupportable. J’y ai aussi tellement adoré Metroid Prime, qui était tellement beau et tellement inventif et j’aurais voulu que la partie puzzle-platformer dure beaucoup plus.

Puis des copains ont eu la PS2 et je suis allée squatter leurs canapés pour jouer à Shadow of the Colossus, qui est toujours la plus grosse claque vidéoludique que j’aie pris à ce jour. C’était pourtant pas gagné; ce jeu avait des ambitions graphiques monumentales pour lesquelles le moteur de la PS2 n’était clairement pas à la hauteur, et l’équipe a dû faire des choix, ça se voit. Le rendu est un peu trop polygonal pour cette génération de jeux, ce qui tranche bizarrement avec les dimensions de l’environnement et le niveau de détail du décor. Et ça scintille un peu. Beaucoup. De prime abord, j’ai été un peu rebutée. Puis j’ai vu le premier colosse, et mon cœur a raté un battement – pour de vrai – et j’ai compris. C’est le premier jeu qui m’a bouleversée, le premier qui m’a vraiment donné l’impression de prendre des risques et de révolutionner quelque chose. Sa narration lacunaire, lente et très contemplative sortait complètement des habitudes des joueurs jusque là, qui baignaient plutôt dans une sur-stimulation constante, quel que soit le type de jeu auquel on jouait. Ce contraste avait quelque chose de dérangeant, d’autant plus dans ce cadre désolé, immense, où le joueur est largué sans guide et sans indices, sans dialogues ou interactions avec d’autres êtres vivants. Il a soulevé en moi des émotions très fortes et pas toujours agréables, que jusque là je n’aurais jamais imaginé éprouver un jour devant un jeu vidéo. J’attends encore la relève, aucun autre jeu ne m’a émue aux larmes depuis.

Puis j’ai eu la Xbox 360 et j’ai passé des heures sur Fable II, dont j’ai adoré le système d’alignement – tu remarqueras, y a une légère tendance qui se dessine, ARPG story rich non-linéaire aux jolis décors, monde ouvert, tout ça tout ça – et il n’a jamais été porté sur une autre plate-forme et périodiquement j’y pense et ça me rend triste, j’aimerais tant le refaire. Fable IV me fait tellement envie, et j’ai tellement peur de ne jamais pouvoir y jouer…

À partir de là le marché des consoles de salon a commencé à me faire peur : beaucoup trop de machines sur une même génération, beaucoup trop de dématérialisé avec des politiques commerciales bien foireuses, et les prix qui suivent une courbe exponentielle, moi non seulement je suis pauvre mais en plus je ne vais pas mettre le prix d’un PC dans une machine à usage unique avec laquelle on ne peut rien faire de ce que je fais avec ma tour, donc j’ai arrêté le jeu console et je suis retournée définitivement au jeu PC, en me montant une tour pour dans mon salon avec une grosse carte graphique et des manettes sans fil pour jouer vautrés dans le fond du canapé. Et ça semble être plutôt un bon calcul, parce que je l’ai depuis 2018 et j’ai changé une fois de CG, jeté une barrette de RAM supplémentaire dedans et il a encore quelques bonnes années devant lui. Tant pis pour les exclus.

Le rythme des grosses claques vidéoludiques a aussi bien diminué. Sûrement parce que je joue depuis très longtemps et que j’ai croisé une grande variété de jeux tous plus créatifs et beaux les uns que les autres. Sans doute aussi parce que ce marché est devenu tellement colossal qu’on se noie devant l’offre et qu’il est beaucoup plus compliqué de s’émerveiller devant le flot constant de nouveautés, et c’est parfaitement raccord avec l’ère du streaming et du flot continu d’informations dans lequel nous surnageons quotidiennement par ailleurs. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a aucun titre que j’adore, il y a plein de jeux que j’ai adorés de tout mon cœur ces dernières années, juste que les jeux qui révolutionnent ma façon de jouer, qui me remuent dans mes tripes, ou qui me font écarquiller les yeux tant ils sont beaux, sont de plus en plus exceptionnels.

Il y a The Witness qui m’a encore fait ça. « Exceptionnel » est le bon mot. Les mécaniques de jeu te poussent constamment à réviser ton point de vue et engagent tes ‘problem solving skills’ à un niveau que je n’ai croisé dans aucun autre puzzle game. Je crois que c’est le jeu auquel je préfère regarder les gens jouer, parce qu’il dit beaucoup sur la personne qui y joue : tout le monde n’a pas des problèmes sur les mêmes familles de puzzles, et ça n’a rien à voir avec le fait d’être malin ou stupide, plus avec les aires de compétences intrinsèques à la personne qui joue. Il y a une section avec des puzzles audio que j’ai bachés en quelques secondes sans avoir besoin d’y réfléchir, et j’ai vu avec un immense étonnement la majorité des gens de mon entourage monstrueusement galérer pour en comprendre la logique, mais aussi pour percevoir le cadre des contraintes : ils font appel à l’oreille relative, et je n’avais pas conscience que ce n’est pas un acquis perceptuel chez tout le monde. Par contre, dans la section du port où les puzzles ressemblent à de l’arithmétique, je suis une catastrophe, où certains de mes potes y ont une facilité déconcertante. En quelque sorte, ça me rappelle un peu un test de QI. Sauf qu’on peut saluer la progression hyper fluide de la courbe d’apprentissage, et son intégration dans l’environnement. Et puis le jeu a une dimension philosophique importante et très omniprésente, qui comme le jeu lui-même, contient plusieurs strates et plusieurs niveaux de lecture, qu’on n’arrive pas vraiment à appréhender complètement en une partie. À chaque passage j’ai l’impression d’apprendre quelque chose de nouveau, ou de redécouvrir un concept que j’avais intégré d’une certaine façon, avec une compréhension toute fraîche. Et c’est bien tout le propos du jeu : il y est question de perspectives. Tout comme dans Superliminal, d’ailleurs, que j’ai vu des gens trouver « amusant mais bôf », mais qui y ont joué en passant à travers comme un bulldozer, en s’amusant deux minutes de la physique sans s’attarder sur l’histoire – qui peut pourtant apporter beaucoup, si on la laisse nous traverser.

Il y a Hyper Light Drifter, bien sûr, que je qualifie volontiers de mon jeu préféré. Ne te fie pas à mes heures de jeu sur Steam, je l’ai fini trois fois sur les comptes des copains avant de l’acheter chez moi. Et pourtant la première fois que je l’ai croisé dans un shop, je l’ai trouvé trop fluo, il me faisait mal aux yeux, j’aurais jamais osé le prendre. Eh ben heureusement que je suis une personne capable de changer d’avis. En fait l’artwork est… à couper le souffle. La musique est incroyable – mais en même temps comment en attendre moins de disasterpeace? Ses commandes sont d’une impossible fluidité, il est extrêmement dur mais certainement pas parce qu’il est mal fait, au contraire, il est précis au poil de cul mais tu n’as pas le droit à l’erreur. Le feeling des commandes et la physique sont tellement particuliers que je me demande si c’est pas un moteur fait maison derrière. Mais surtout il est lourd. On évolue dans un monde cruel et injuste, on joue un personnage dont on comprend assez vite qu’il n’a aucune perspective, et à l’image de Shadow of the Colossus plus haut, on ressent tellement fort qu’à chaque fois qu’on avance, c’est pour se rapprocher inéluctablement de sa perdition… Chaque rencontre avec Anubis fait l’effet d’une chape de plomb coulée dans l’estomac. Le jeu tire d’ailleurs une partie de son inspiration de SOTC et lui rend de superbes hommages parsemés un peu partout dans le monde, sans jamais le plagier ou le transposer. Il est super gratifiant en terme de gameplay, surtout les trésors et les secrets, j’ai trouvé l’équilibre parfait. J’ai joué au jeu et compris, ressenti la peine qu’il porte dans son ADN avant de regarder une interview de son créateur et que tout ça fasse sens. Je te conseille vivement l’expérience des deux, dans ce sens-là. Etrangement ses suites, Hyper Light Breaker et Solar Ash, ne m’attirent pas du tout. Pourtant c’est la même direction… Ce sont sûrement d’excellents jeux, per se, mais pour moi la rupture est trop grande, je n’arrive pas à me lancer.

Bon bien sûr il y a Fez aussi. Parle-moi de changement de perspective. J’ai pas grand-chose à élaborer sur ce jeu, mais il est parfait. Parfaitement jouable, parfaitement gratifiant, parfaitement équilibré, juste dur comme il faut, et encore de l’incroyable musique de disasterpeace bien sûr. C’est le mètre-étalon du puzzle platformer, ni plus ni moins. Le seul reproche que j’ai à lui faire, éventuellement, c’est sa mystique. J’ai envie de me le refaire, ces jours.

The Talos Principle m’a bien sciée aussi. Tu remarques une autre tendance, non? Le puzzle game aux bonnes grosses implications philosophiques pas du tout légères qui te confronte à toi-même sans échappatoire possible? Talos, comme les autres cités précédemment, fait ça très bien, et si les mécaniques des puzzles sont beaucoup moins élaborées que dans les autres, leur complexité n’est absolument pas en reste. Par ailleurs il aborde des thèmes que les autres laissent complètement de côté : le changement de perspective, certes, le deuil, très bien, mais aussi la dualité, le défaitisme, l’auto-sabotage, la résilience, et la résistance aux dogmes et à leurs agents comme une ressource. L’ensemble est d’une grande intelligence et promet de te laisser une ou deux marques. La désolation omniprésente dans ces jeux et le sentiment d’isolement et de désespoir qui en découlent ne sont pas des choix artistiques hasardeux; elle a quelque chose à nous dire, si on est prêt à l’entendre. J’ai commencé Talos 2 récemment, j’ai été très surprise d’y rencontrer autant de protagonistes et de traverser autant de dialogue. La question de la vie communautaire et de la finitude des ressources est abordée dès l’introduction. On devine celle de la religion dans quelques indices pas très subtils. Je fais confiance à Croteam pour ne pas sombrer dans le mysticisme et aborder ces questions avec autant d’intelligence que dans le premier – où notre principal interlocuteur est une AI courrouceuse répondant au sobriquet de Elohim, et ce n’est pas gratuit – mais c’est déjà ce qui m’avait fait peur dans le premier opus, et dont j’avais été très agréablement surprise de la finesse entourant cette réflexion. Ce jeu, c’est un peu comme se balader en direct dans une histoire d’Asimov.

Je pensais que plus rien ne sortirait qui me ferait un tel effet, mais c’est Annapurna qui a couvé les deux derniers de ma liste. D’abord Outer Wilds avec son scénario incroyable et sa poésie et son ambiance folle et le maelström invraisemblable qu’il provoque chez le joueur (beaucoup de stress de pilotage pour ma part) et je n’en dirai pas plus, parce que je n’en dirai pas plus, t’as qu’à jouer

Et enfin Lorelei and the Laser Eye , sorti l’année dernière, qui est un jeu très insolite dans l’absolu mais aussi dans cette liste. C’est une œuvre d’art, déroutante, inquiétante, dont la narration laisse confus, encore une expérience de mise en abîme où le jeu prend la forme d’une exposition interactive pour te faire visiter virtuellement les installations d’une exposition interactive, on traverse l’histoire de l’informatique simultanément à travers la narration et à travers les techniques mises en œuvre dans le jeu vidéo, et pourtant ça ne ressemble jamais à « yet another indie pixelart / PS1-era video game », c’est fait avec beaucoup d’à-propos, de subtilité et de talent. Mais c’est surtout la sensation de perdre complètement pied, de voir son rapport avec le réel se désagréger en même temps que celui de notre protagoniste, qui est très marquant et à mon sens, très réussi.

J’ai passé plein de jeux excellents, beaucoup dont j’ai trouvé qu’ils étaient clairement le dessus du panier, pour me concentrer sur ceux qui ont vraiment fondamentalement changé quelque chose pour moi. Je trouve déjà la liste assez imposante comme ça. Il n’y en a pas beaucoup de récents malheureusement, et certainement beaucoup que vous avez déjà joués depuis des années. Ça ne change rien au fait qu’ils ont été, et restent, bouleversants et pertinents pour moi. Hésitez pas à partager votre propre histoire avec ces titres!

2 réponses à “Gamergirlog”

  1. Avatar de Ölbaum

    @Morayner Ah oui, Loom, pareil.

    1. Avatar de Morayner Blacksmith

      toi aussi tu chantes faux le thème?

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