Lex Peregrinorum : Una pax omnibus necessarius est.

Dans cet article, on va parler itinĂ©rance, rando, bikepacking et lutte des classes. Ce qui suit n’est pas une thĂšse, te voilĂ  prĂ©venu. J’aborde les divers sujets qui le composent sans aucune connaissance sĂ©rieuse sur ceux-ci et sans aucune autoritĂ© les concernant. Ce n’est qu’un dĂ©roulĂ© de mes ressentis et des rĂ©flexions qui en dĂ©coulent. C’est carrĂ©ment un pamphlet Ă  charge, et je me doute que sa rĂ©ception ne va pas ravir certains de mes lecteurs. Tant pis. Apparemment, ça me tient assez Ă  cƓur pour me faire cogiter depuis une semaine, donc peut-ĂȘtre que ça vaut la peine d’Ă©nerver vaguement deux ou trois personnes. J’espĂšre quand mĂȘme que si vous en ĂȘtes la cible, il parviendra Ă  vous atteindre assez pour provoquer quelques remises en question malgrĂ© votre Ă©go froissĂ©.


Ça y est, j’ai reçu mon vĂ©lo de voyage! C’est l’un des achats les plus onĂ©reux que j’ai fait de ma vie, et pourtant il fait partie des modĂšles les moins chers dans ce type de biclou spĂ©cialisĂ©, et Ă  l’heure oĂč c’est standard de se payer un VAE Ă  4000 balles, il est mĂȘme plutĂŽt modeste, mon vĂ©lo musculaire certes spĂ©cialisĂ© mais sans options particuliĂšres.

Je serais presque en train de me dĂ©fendre, moi qui roulais encore il y a deux semaines sur un vieux VTC decathlon quinze ans d’Ăąge, et qui ai toujours une pointe d’irritation quand je croise ces « nouveaux cyclistes » sur leur monture Ă  4000 boules affublĂ©es de 18 sacoches Ortlieb flambant neuves avec leurs shorts en lycra et leur casque aĂ©rodynamique. J’ai presque envie d’affirmer bruyamment que je fais pas partie de cette hype et que j’ai pas attrapĂ© l’envie de bikepacking en scrollant sur instagram.

Non, moi je roule depuis toujours, mon bon monsieur. Ma mĂšre retapait des vĂ©los sur le balcon de notre HLM, mon bon monsieur. Quand on Ă©tait petites, ma sƓur et moi, elle nous emmenait faire des journĂ©es entiĂšres de pĂ©dalage Ă  travers la campagne, et il fallait dĂ©jĂ  s’y rendre, Ă  la campagne, depuis le centre de GenĂšve. J’ai appris Ă  rouler Ă  4 ans, et vers 9-10 ans ma mĂšre m’a achetĂ© mon premier vĂ©lo d’adulte dans un magasin associatif qui retape des biclous de fourriĂšre, un vĂ©lo qui ressemblait Ă©trangement Ă  celui que je viens de m’offrir : cadre acier d’un vert sombre et moirĂ© difficilement identifiable, un peu trop grand pour moi – j’imagine que ma vioque l’a choisi en se disant que je grandirais dedans, comme les pulls. Un vĂ©lo de mec avec une barre transversale horizontale qui m’a causĂ© quelques mĂ©morables douleurs Ă  l’entrejambe grĂące Ă  ma proverbiale maladresse. Je l’adorais, ce vĂ©lo. J’allais partout avec. Je l’avais appelĂ© Sayuka, parce que je suis le genre de personne qui nomme ou surnomme ce qui compte le plus dans sa vie – c’est-Ă -dire un vĂ©lo, mes basses et Bob le ventilateur, jusqu’Ă  maintenant. Ma sƓur avait un mountain bike rose de fille, qu’elle propulsait Ă  terre avec force gueulĂ©es Ă  chaque fois qu’elle se vautrait et que ça la mettait instantanĂ©ment dans une colĂšre noire. Puis un jour on m’a volĂ© Sayuka, parce que c’est difficile d’ĂȘtre propriĂ©taire d’un vĂ©lo en ville de GenĂšve, au mieux en est-on usufruitier jusqu’Ă  ce qu’il retrouve sa libertĂ©. Je ne me souviens plus du suivant, celui sur lequel je faisais 40km de route tous les jours pour aller puis revenir de l’Ă©cole, puis avec lequel je me rendais en rĂ©pĂšte ou Ă  l’entrainement. C’est aussi celui avec lequel je me suis fait renverser. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, mais vu comment ma tĂȘte Ă©tait pliĂ©e, il a dĂ» partir au paradis des vĂ©los sous forme d’apĂ©ricube.

Ma mĂšre retapait des vĂ©los sur son balcon parce qu’elle adorait ça, rouler, la libertĂ© que ça lui apportait, et que c’Ă©tait son grand loisir… Mais aussi par conviction. J’ai Ă©tĂ© Ă©levĂ©e dans une maison Ă©colo, Ă  une pĂ©riode oĂč le stigma social liĂ© Ă  cette posture idĂ©ologique Ă©tait diffĂ©rent : on ne parlait pas encore de rĂ©chauffement climatique, la question semblait nettement moins urgente qu’aujourd’hui. Nous Ă©tions beaucoup moins nombreux Ă  arborer de telles convictions et sur l’Ă©chiquier politique Ă©tions volontiers identifiĂ©s comme des babas gauchisses ayant un peu perdu pied avec la rĂ©alitĂ©. Nous roulions donc Ă  vĂ©lo parce que nous Ă©tions des babas gauchisses et que dans notre maison il n’y avait pas de voiture. De toutes façons, en aurait-on dĂ©sirĂ© une, nous aurions Ă©tĂ© bien en peine : la vioque n’avait ni le permis ni les moyens. Nous roulions Ă  vĂ©lo, et Ă  vĂ©lo de seconde main, parce que nous Ă©tions pauvres, comme tous les prolos Ă  vĂ©lo depuis que les vĂ©los existent.

Enfin, tout ça pour dire que non, je n’y suis pas par effet de mode, le vĂ©lo et moi c’est une vieille histoire, qui a mĂȘme failli avoir une fin catastrophique. Et vu que toute ma vie j’ai enchainĂ© les vieux biclous retapĂ©s et que tout s’est trĂšs bien passĂ©, je crois trĂšs fort que le bon vĂ©lo pour rouler, c’est celui que tu as dĂ©jĂ . Je traine mes vĂ©los jusqu’Ă  ce qu’ils se fassent voler, ou plier, ou que ce ne soit vraiment plus possible, et je suis toujours un peu mal Ă  l’aise ou agacĂ©e face aux personnes qui s’achĂštent plusieurs vĂ©los ou ont des vĂ©los super onĂ©reux et compliquĂ©s pour un usage loisir, notamment parce que quelque part au fond de moi j’ai le sentiment que c’est juste une pulsion consumĂ©riste dĂ©placĂ©e sur un objet qui permet de conserver une bonne conscience santĂ© / Ă©cologie.

Du coup je me sens bizarre avec mon achat. J’ai l’impression d’avoir trahi ma classe, l’impression d’avoir fait un immense caprice de petite bourgeoise, alors que vraiment, mon ancien vĂ©lo ça n’allait plus du tout, et j’ai contemplĂ© mes options pendant une bonne annĂ©e avant de sauter le pas. Parfois, un pan de ma conscience me titille encore : « t’aurais pu te trouver une occase, regarde tous ces cilo en acier chez EmmaĂŒs, il suffisait de les retaper un peu, toi aussi t’achĂštes pour rien » – avant de me rappeler que j’ai essayĂ© de trouver une solution en occasion, mais que les freins hydrauliques devenaient incontournables pour mes besoins, et que tous les ateliers que j’ai consultĂ©s me dissuadaient de la manƓuvre d’en adapter sur un vĂ©lo Ă  freins patins. RĂ©sultat je m’embourgeoise, j’ai un vĂ©lo de voyage flambant neuf et un compte bancaire un peu plus vide. Je l’ai assurĂ©, la boule au ventre. J’habite plus Ă  GenĂšve, il risque beaucoup moins de disparaitre, mais tout de mĂȘme : Ă  l’heure oĂč mĂȘme mes potes prolos peuvent de temps en temps s’offrir une petite Les Paul pour le plaisir, pour moi, c’est toujours pas rien, un investissement pareil.

Le lendemain de sa rĂ©ception, j’ai pensĂ© aux pĂšlerins, et je me suis retrouvĂ©e Ă  compulser quelques Lex Peregrinorum. Ce n’est pas la premiĂšre fois que je pense aux pĂšlerins autour de la question du bikepacking. À vrai dire, ça me saute dans la tĂȘte Ă  chaque fois que quelqu’un fait un compte-rendu de voyage oĂč il parle d’hospitalitĂ© et de solidaritĂ©. TrĂšs souvent, les vlogs de voyage ou les articles que j’ai lus ou mĂȘme mes interlocuteurs directs m’ont reportĂ© des Ă©pisodes oĂč ils se sont retrouvĂ©s en galĂšre : tout Ă  coup il faisait trop froid pour le matĂ©riel qu’ils avaient embarquĂ©, ou ils se sont retrouvĂ©s Ă  court de bouffe, et quelqu’un leur est venu en aide, en leur filant un peu de thunes, en leur offrant le gite et / ou le couvert. Il y en a mĂȘme qui se font financer leur pĂ©riple au complet par les dons de leur public, offrir un vĂ©lo par une marque-sponsor trop heureuse de l’exposition que lui offrira un youtubeur. Je regarde les aires de bivouac gratuites qui fleurissent, des particuliers qui les amĂ©nagent mĂȘme sur leur terrain Ă  l’attention des autres cyclovoyageurs. Et je trouve ça super, vraiment! J’aime ça, la solidaritĂ©, le point de vue inverse me semble tellement absurde qu’il n’est pas dĂ©fendable. Mais Ă  chaque fois ma rĂ©action-rĂ©flexe c’est « et est-ce que tu offres le gite et le couvert Ă  des SDF aussi? » « Pourquoi on ouvre des aires de bivouac gratuites et on ferme tous les terrains d’accueil pour les gens du voyage? »

Qu’est-ce qui diffĂ©rencie les voyageurs Ă  vĂ©lo des personnes sans domicile fixe, des nomades, des personnes en situation irrĂ©guliĂšre, ou de n’importe qui d’autre en galĂšre ou en itinĂ©rance, tout simplement? C’est ce qui me fait penser aux pĂšlerins Ă  chaque fois. Au milieu d’une sĂ©grĂ©gation active des peuples nomades d’Europe, il y a ces dĂ©vots qui peuvent se mouvoir Ă  leur guise sans en ĂȘtre inquiĂ©tĂ©s. On leur voue un tel respect que des dispositions lĂ©gales sont prises pour les protĂ©ger, leur confĂ©rant un statut et des droits dont ne jouit pas le citoyen ordinaire. L’une de ces « lex peregrinorum » dĂ©sormais caduques que j’ai compulsĂ©es Ă©tablissait que les dettes du pĂšlerin Ă©taient suspendues le temps de son pĂšlerinage, ainsi que tout Ă©ventuel jugement ou toute Ă©ventuelle saisie. J’arguerais bien que cette sympathie est liĂ©e Ă  l’origine ethnique du pĂšlerin, mais c’est sans compter que toutes les civilisations ou presque ont des pĂšlerins, et que toutes ou presque en respectent la figure presque avec dĂ©fĂ©rence. Ce n’est pas la couleur ou l’origine, c’est le sacrĂ©.

La tradition d’accueil et d’assistance que doit le bon chrĂ©tien au dĂ©vot en pĂšlerinage semble s’ĂȘtre transfĂ©rĂ©e au voyageur, mais lĂ  encore, pas n’importe quel voyageur: celui issu d’une certaine classe sociale. Je ne me souviens malheureusement plus quel sociologue perspicace a Ă©voquĂ© l’idĂ©e que le pognon est le nouveau sacrĂ©, mais je crois que nous en tenons une solide dĂ©monstration – une de plus.

Moi, sur mon super vĂ©lo de voyage qui n’a pourtant l’air de rien de spĂ©cial, je ne jouirai probablement pas de ce capital sympathie. Je n’ai pas le bon profil : mes sacoches ne sont ni des Vaude, ni des Ortlieb. Pour l’heure, ce sont des petits sacs Ă  dos Ă  une thune accrochĂ©s en mode DIY, et en temps et en heure, ce seront des sacoches faites maison sur mesure pour correspondre le mieux possible Ă  mes besoins, possiblement en tissu de seconde main, possiblement dĂ©pareillĂ©es. Je roule pas avec des cyclistes en lycra, et pas plus avec des petits maillots en merino. Avec ma dĂ©gaine de pauvre grunge qui accumule la crasse au mĂȘme rythme que les jours sur la route, je me ramasse plutĂŽt l’hostilitĂ© qu’on rĂ©serve aux SDF et aux marginaux.

La route non plus, c ‘est pas nouveau, pour moi. Je dormais dans un hamac au bord du RhĂŽne Ă  une Ă©poque oĂč le bord du RhĂŽne n’Ă©tait absolument pas frĂ©quentĂ©. Enfant, je partais faire des campings de festival ou du camping sauvage avec mes parents, des sĂ©jours de comptage de la faune Ă  dormir Ă  la belle Ă©toile ou dans des vieux refuges sans confort. Avant ma pubertĂ© dĂ©jĂ , j’avais appris Ă  dĂ©velopper des stratĂ©gies pour dormir chaud et relativement confortable avec du matĂ©riel qui n’Ă©tait pas l’opulent stack technique et compact avec lequel les randonneurs modernes partent aujourd’hui en voyage – canadienne, sac de couchage en coton ou en plume, couverture en laine et tapis de sol en mousse – pour manger Ă  ma faim sans me surcharger – j’en suis Ă  ma troisiĂšme gamelle militaire usĂ©e jusqu’Ă  la trogne – pour retrouver mon chemin sans le GPS d’un tĂ©lĂ©phone portable. Plus tard, j’y ai mĂȘme habitĂ©, dehors, de façon involontaire, et pour des pĂ©riodes heureusement assez courtes. Ça ne m’a pas dĂ©goĂ»tĂ©e du Grand Dehors ni de l’itinĂ©rance, mais ce n’est pas pareil que de faire un « overnighter » volontaire, planifiĂ© et bien Ă©quipĂ© deux ou trois fois par an.

Je le vis assez mal, quand un randonneur full-stack moderne me dĂ©roule la liste de son matos, tente ultralĂ©gĂšre et sac Ă  viande en soie, que je lui rĂ©ponds oui oui j’aurai ça quand je serai riche, et qu’il me rĂ©torque « tu sais, c’est un Ă©quipement qu’on achĂšte petit Ă  petit », Ă©chappant – sans doute Ă  son insu – un genre de condescendance classiste qui m’ulcĂšre, en prĂ©supposant que si j’ai que du « matos de merde » c’est que je suis nouvelle dans le game, alors que mon Ă©quipement pourri est enrichi depuis une Ă©poque oĂč il n’avait jamais entendu le mot « tarp », s’il existait seulement.

Je le sais, j’y Ă©tais. Mes campagnes, mes montagnes, mes bords de fleuves Ă©taient libres de tout visiteur humain, Ă  mon exception. Je ne sais pas oĂč vous Ă©tiez Ă  l’Ă©poque, les itinĂ©rants modernes, mais vous faisiez autre chose. Et quand vous vous ĂȘtes mis Ă  arriver « chez moi », vous y avez amenĂ© un certain nombre de choses auxquelles nous-autres les chasseurs alpins, les bergers, les hippies amoureux de la nature et les marginaux, essayions justement d’Ă©chapper en nous terrant lĂ .

Ce malaise ne m’appartient pas. Il y a une semaine ou deux, je me suis retrouvĂ©e en discussion avec un professionnel du tourisme habitant au pied d’une autre montagne que la mienne, et un autre itinĂ©rant habitant une troisiĂšme montagne. Dans un contexte social d’une rare sĂ©curitĂ©, nous avons pu nous exprimer librement sur cet envahissement que nous situions au dĂ©but de la pandĂ©mie COVID 19, lorsque le tourisme international s’est brutalement interrompu et que les habitants du pays ont dĂ» se rabattre sur le tourisme local pour leurs vacances. Nos montagnes se sont brutalement retrouvĂ©es surpeuplĂ©es, par des gens qui n’avaient aucune idĂ©e de comment s’y comporter, et y ont causĂ© des dĂ©gĂąts sans prĂ©cĂ©dents : la nuisance sonore de leurs boom box, l’Ă©crasement de la flore par leur matĂ©riel de camping excessif et leurs installations sauvages sur des sites prĂ©servĂ©s, leurs mises en danger par une surestimation de leurs compĂ©tences de randonneurs, la crĂ©ation de nouveaux sentiers au milieu de rĂ©serves naturelles, leurs exigences de restreindre ou mĂȘme parfois piquer les patous car ils voulaient pouvoir traverser n’importe quelle pĂąture, mĂȘme gardĂ©e, et que l’attaque du chien leur faisait simplement conclure que le chien Ă©tait dangereux, les vaches qui sont devenues agressives et mĂ©fiantes Ă  force de voir des touristes dĂ©filer dans leur pĂąture Ă  longueur de journĂ©e avec un chien libre qui s’imagine chien de berger, y compris en pĂ©riode de vĂȘlage… Les « nouveaux itinĂ©rants » sont venus dans nos monts, se sentant familiers avec notre environnement, savants de ses dangers et capables d’y Ă©voluer aprĂšs avoir lu quelques articles sur internet, sans avoir suivi la formation de savoir-ĂȘtre et de compĂ©tences que nos parents nous y ont dispensĂ©, par osmose ou de façon un peu plus dĂ©libĂ©rĂ©e, pendant une dizaine d’annĂ©es.

Quel bois brĂ»ler, oĂč poser son camp, comment accrocher son hamac, choisir le sol oĂč planter ses sardines, oĂč trouver de l’eau, comment savoir qu’elle est bonne, quelles chaussures choisir et pour quel terrain, comment se comporter avec les troupeaux, quelles plantes Ă©viter, comment cuisiner sur un feu… Tout ça, ce n’est pas du savoir magique qu’on peut absorber en deux semaines en lisant trois articles. Ce sont une sĂ©rie de savoirs mouvants et complexes, qui recouvrent tout un systĂšme vivant, auquel nous sommes tenus de nous intĂ©grer avec respect lorsque nous y sommes de passage, plutĂŽt que de l’exploiter comme une Ă©niĂšme ressource Ă  notre disposition. J’aimerais que les gens de passage qui viennent randonner une aprĂšs-midi en montagne et se plaignent des patous qui les empĂȘchent de passer oĂč ils voudraient comprennent : le patou, il fait son boulot, il est chez lui. Pas toi. Toi, tu visites. Mais pas que toi, hein, moi aussi, je visite, et je ne vais pas l’empĂȘcher de bosser, le patou.

Et c’est compliquĂ© de tenir ce discours, d’avoir ce genre de posture, parce que je suis bien sĂ»r consciente que sortir, aller dans la nature, se dĂ©placer, avoir des vacances, c’est un droit universel et inaliĂ©nable dont jouit tout ĂȘtre humain, et quand mes itinĂ©rants de montagne rompus Ă  la dĂ©merde et moi-mĂȘme nous rĂ©unissons pour rĂąler sur ces nouveaux arrivants, ça peut ressembler Ă  du gatekeeping. Une part de moi est bel et bien mal Ă  l’aise de vouloir garder la montagne pour nous, ses dĂ©vots de longue haleine. Mais au-delĂ  du savoir-vivre dans la nature dont les nouveaux venus se prĂ©sentent dĂ©munis, de la surfrĂ©quentation et des nuisances pour la faune et la flore, il y a d’autres enjeux, presque plus intimes encore.


En plein milieu de ma rĂ©flexion concernant la prĂ©sente rĂ©daction, j’ai commencĂ© et terminĂ© l’excellent « Rendre les coups« , Ă©crit par Selim Derkaoui. C’est un livre d’environ 150 pages qui explore les liens entre la boxe anglaise et la lutte des classes, qui tape trĂšs juste et est extrĂȘmement intĂ©ressant.

L’auteur y parle de ce besoin du corps opprimĂ© de se maintenir en mouvement, de s’aiguiser, de gagner en force, comme pour se donner l’impression d’avoir le contrĂŽle sur au moins un pan de sa vie, comme une forme de fuite en avant, aussi. Je me retrouve beaucoup dans cette description de l’urgence Ă  bouger, qui je pense motive une grande partie de mon besoin d’itinĂ©rance, mais aussi de mon besoin de faire du sport, d’entretenir mon physique, de mon incapacitĂ© Ă  rester en place et simplement me reposer : tant qu’on bouge on est fort, on est en puissance. Tant qu’on bouge on est solide et capable. Et personne ne peut nous retirer la rĂ©alitĂ© crue de nos corps : peu importe Ă  quel point on m’opprime, je suis ça. Je suis cette montagne de muscles qui peut soutenir, supporter et soulever bien plus que ce que vous n’osez mĂȘme pas rĂȘver. Dans la vĂ©ritĂ© crue de ton corps, oppresseur, bourgeois, tu ne feras jamais le poids face Ă  moi. Dans mon corps de femme rĂ©servĂ©e qui parle doucement et ne regarde jamais personne en face, il y a un mineur d’un mĂštre nonante qui toise son patron venu sur site de toute la largeur de ses Ă©paules dĂ©bordantes de son dĂ©bardeur. Ce mineur est fier de pouvoir pousser un vĂ©lo chargĂ© de matos sur des routes de montagne, fier de savoir allumer et entretenir un feu, fier de pouvoir retrouver son chemin au milieu de rien, fier de pouvoir trouver le sommeil dans l’inconfort d’une couchette sommaire, dans le froid d’une nuit sauvage inquiĂ©tante.

Le bouquin parle aussi de la gentrification de la boxe. En immersion, Selim Derkaoui se rend dans un club des beaux quartiers parisiens, un truc plein de nĂ©ons et de musique techno Ă  fond la caisse, oĂč des jeunes cadres dynamiques sont invitĂ©s Ă  alterner entre des sessions de bootcamp et des sessions de frappe. Il en rapporte qu’ils ne font jamais de corps Ă  corps, que toute forme de collectivitĂ© y disparait au profit d’un entrainement individualiste dont le seul but est de se dĂ©penser et d’avoir « fait son sport ». La championne Aya Cissoko en rigole, non sans une pointe de mĂ©pris : il n’y a pas de danger, non plus, c’est de la boxe « pour de faux », ils en retirent tout le sang et la sueur. On dira un jour aux gamins de la citĂ© de dĂ©gager des salles de boxe parce que leur prĂ©sence importune les Charles-Henri « regardez comme ma vie est tragique je suis un combattant ».

Derkaoui propose rapidement la notion d’ « appropriation culturelle de classe » pour qualifier cette gentrification d’un sport par essence prolĂ©taire, et je le remercie d’avoir trouvĂ© le terme parfait pour dĂ©crire le malaise qui m’habite face aux « nouveaux itinĂ©rants », Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. Comme si c’Ă©tait fait exprĂšs, il Ă©voque au dĂ©tour de sa rĂ©flexion le fait que 50% des français ne partent jamais en vacances, et cite dans une courte liste des occupations de ces prolĂ©taires pour Ă©chapper au quotidien la pratique du camping. C’est ma foi vrai : nous campons parce que nous ne pouvons pas vous suivre Ă  la Barbade, Ă  New York ou au Japon. Mes forĂȘts, mes montagnes et mon bord du RhĂŽne Ă©taient dĂ©serts parce que pendant les mois estivaux tout le monde roulait ou volait vers d’autres horizons, et j’avais mon monde Ă  moi toute seule. L’itinĂ©rance Ă©tait la seule forme de vacances qui m’Ă©tait financiĂšrement accessible. Et lĂ  oĂč nous faisions du camping, ou acceptions une mission de berger pour quelques mois Ă  la montagne, ou prenions la route Ă  vĂ©lo, parce que nous n’avions pas les moyens de faire ce que tous les autres faisaient mais avions tout de mĂȘme besoin de sortir un peu de notre quotidien Ă  l’usine… Tout Ă  coup nous ne pouvons plus y aller, parce que vous ĂȘtes lĂ , Ă  en gentrifier l’accĂšs ou tout simplement Ă  le dĂ©truire.

Prenons l’exemple de la haute montagne : les tarifs de la nuitĂ©e en refuge ont explosĂ© ces derniĂšres annĂ©es. On peut parler du Mont Blanc, tellement pris d’assaut par le tourisme d’amateurs que les refuges sont constamment complets, ils se retrouvent Ă  accueillir des touristes surnumĂ©raires dans le sas d’entrĂ©e pour la nuit, et tellement d’inconscients se sont blessĂ©s en pensant pouvoir faire cette ascension les doigts dans le nez qu’ils ont mis en place des conditions strictes Ă  base de permis et de certification trĂšs onĂ©reux, ce qui fait que concrĂštement il n’y a plus que les personnes aisĂ©es qui ont le droit d’aller sur le Mont-Blanc. Les alpinistes passionnĂ©s mais modestes les en remercient…

Cet engouement pour l’itinĂ©rance n’est pas passĂ© inaperçu du cĂŽtĂ© des marques qui se lancent dans la course Ă  l’Ă©quipement le plus lĂ©ger, compact, performant, et onĂ©reux, poussant les moyenne-sup’ Ă  changer constamment de matĂ©riel pour monter en gamme, et en prix. Les campings alignent leurs tarifs sur le plus offrant. Je ne compte plus les stages de « survie dans le monde sauvage » Ă  900 balles le weekend, les voyages Ă  vĂ©lo organisĂ©s oĂč on est OK Ă  prendre des grands dĂ©butants pour rouler 50km par jour pendant une semaine, les offres de tourisme pĂ©destre dans des zones oĂč il faudrait avoir son brevet d’alpinisme… Tous ces acteurs ont une immense responsabilitĂ© dans ce dĂ©sastre.

Du cĂŽtĂ© des communes et des Ă©tats, on lĂ©gifĂšre de plus en plus serrĂ© face aux conduites aberrantes de ces nouveaux venus ignorants des bonnes pratiques, que ce soit par manque d’expĂ©rience ou par refus de se plier aux rĂšgles qui s’imposent au tout-venant : il est de plus en plus difficile de trouver des sites de bivouac gratuits en forĂȘt, des foyers ou des zones oĂč les feux sont autorisĂ©s, les espaces oĂč il est possible de laisser son chien en libertĂ© se font de plus en plus rares, mĂȘme en pleine campagne, en forĂȘt ou en montagne, merci Ă  tous ceux qui se sont installĂ©s sur des terres arables ou sur des parterres de plantes sauvages ou dans le champ d’un mec sans rien lui demander, Ă  tous ceux qui ont fait un feu n’importe oĂč n’importe comment en cramant la moitiĂ© de la forĂȘt, Ă  tous ceux qui ont laissĂ© leur chien courser la vache ou la biche parce que c’est rigolo il a bien le droit de se dĂ©fouler c’est la nature.

Il y a peu de temps, un type m’a dit frontalement que ça ne se faisait pas de voyager en se faisant financer par la collectivitĂ© et que si tu n’avais pas les moyens de partir, de te payer le matĂ©riel et la bouffe et de participer Ă  l’essor Ă©conomique du lieu dans lequel tu te rends, peut-ĂȘtre que tu n’as pas le droit de partir. Je ne vais pas m’Ă©tendre mille ans sur ce que le tourisme inflige rĂ©ellement Ă  une Ă©conomie locale, notamment ce que ça implique pour les populations prĂ©caires Ă  cet endroit, je vais simplement relever que ça y est. Avec vos vĂ©los Ă  4000 balles et vos sacs Ă  viande en soie ultra compacts, vous ĂȘtes en train de gentrifier le dehors et de virer les classes laborieuses Ă  coups de pieds au cul de ce qui Ă©tait pour elles le seul loisir littĂ©ralement gratuit. Vous en ĂȘtes Ă  nous dire frontalement, droit dans les yeux, sans la moindre gĂȘne, que notre place n’est pas lĂ  et que nous ne mĂ©ritons pas l’accĂšs Ă  ces espaces que vous nous avez subtilisĂ©s par colonisation.

DĂ©jĂ  que depuis que le mec-cis-blanc-de-classe-moyenne-sup’ s’est mis Ă  aimer le metal, les Ă©tĂ©s de festival c’est fini pour moi vu que le moindre billet coĂ»te dĂ©sormais 150 balles, vous allez pas en plus me faire sortir du bois, si?

Et je n’utilise pas ce terme de « colonisation » Ă  la lĂ©gĂšre, n’en dĂ©plaise Ă  cet interlocuteur qui m’assĂ©nait que « tes voyages ne sont pas l’acte politique que tu pense » : les peuples pastoralistes et itinĂ©rants d’occident se sont fait lourdement rĂ©guler, parfois activement dĂ©cimer, pour l’impardonnable faute d’avoir comme mode de vie ce que vous entendez aujourd’hui explorer comme pratique-loisir le temps d’une aventure. Ces populations, qui comptent par exemple les « gens du voyage » ou les Sami, se sont vus infliger de l’esclavage, de la dĂ©portation, de la sĂ©grĂ©gation, des placements forcĂ©s, de la stĂ©rilisation forcĂ©e, des institutionnalisations, des restrictions d’accĂšs Ă  la scolaritĂ©, Ă  l’emploi, Ă  la santĂ©… Parce qu’ils vivaient sur les routes. Certains d’entre nous, « hobo travelers » qui sommes aujourd’hui poussĂ©s dehors par les « nouveaux itinĂ©rants », sommes les enfants de ces sĂ©dentarisations forcĂ©es, qui trouvaient Ă  travers ces pratiques un moyen de rester peu ou prou connectĂ©s avec leurs racines. On leur a retirĂ© la route pour l’offrir en loisir aux bourgeois blancs bien-nĂ©s.

Alors, je ne vais pas te dire de « dĂ©gager de chez moi » parce que, comme je l’ai dit plus haut, tout le monde est lĂ©gitime Ă  revendiquer un accĂšs Ă  la nature et aux loisirs au coeur de celle-ci. Je dis depuis assez d’annĂ©es que la terre est Ă  tout le monde pour ne pas avoir envie d’ĂȘtre en complĂšte incohĂ©rence avec moi-mĂȘme. Je te dis simplement que si t’as envie de t’y mettre Ă  cause de stories instagram qui te provoquent une bonne FOMO du clodo, prends conscience que les places sont comptĂ©es. Si t’entends l’appel de la route ne le rĂ©prime pas, je sais ce que c’est que de vivre avec ce besoin dans le ventre et de ne pas pouvoir l’assouvir, ça rend vide et malheureux, mais prĂ©pare-toi bien, apprends Ă  faire les choses correctement, fais-toi accompagner d’un itinĂ©rant vĂ©tĂ©ran dans cet apprentissage, et par pitiĂ© Ă©vite de nous faire une « into the wild ».

Mais si t’en ressens pas le besoin et que t’as juste envie de suivre la hype, s’il te plaĂźt reste chez toi. Au milieu des vidĂ©os que j’ai compulsĂ© en choisissant mon vĂ©lo, j’Ă©tais tombĂ©e sur le vlog d’une cycliste qui faisait de la compĂ©tition, donc une cycliste avec un bon niveau, qui avait dĂ©cidĂ© de tenter le coup. DĂšs le premier jour, et malgrĂ© une Ă©tape le soir chez des amis, elle se plaignait de la solitude ressentie. La premiĂšre fois qu’elle a plantĂ© sa tente, c’Ă©tait du camping sauvage sur un site privĂ© en bord de route, sur de la vĂ©gĂ©tation vivace, tout ce qu’il ne faut pas faire. La nuit venue elle Ă©tait terrifiĂ©e, au point qu’elle n’en a presque pas dormi. Au terme de son voyage, clairement l’expĂ©rience lui avait pesĂ©, surtout la dimension de l’isolement social. MalgrĂ© son bon niveau de cyclisme elle n’Ă©tait pas du tout prĂ©parĂ©e aux implications du voyage, et c’Ă©tait Ă©vident que tout ça ne lui allait pas. C’est quelque chose que personnellement je ne comprends pas. L’itinĂ©rance c’est un vrai mode de vie, mĂȘme pour quelques jours, qui est exigeant et inconfortable, et tout le monde n’est pas taillĂ© pour ça. Le prix Ă  payer est trop lourd, pour toi comme pour l’endroit oĂč tu vas te rendre, pour simplement succomber Ă  un effet de mode si c’est pas pour toi. On est pas obligĂ©s de tous tout faire et ta vie ne sera pas ratĂ©e si t’as pas cochĂ© la case « partir en autonomie ». Personne ne t’en voudra de faire autre chose.

En conclusion, j’ai envie de te dire : Vagabond, voyageur, itinĂ©rant, pĂšlerin, vadrouilleur, choisis ton titre, mais n’oublie pas : tu pars avec une dette.

Une dette immense, et Ă  plusieurs dimensions. Tu pars avec une dette envers la nature qui t’accueille. C’est de ton devoir de te former Ă  la respecter. Suis les directives « leave no trace » , Ne fais pas de feux sur un site oĂč ce n’est pas autorisĂ©. Ne fais pas de camping sauvage. Je sais que c’est sexy, mais si nous sommes de plus en plus nombreux Ă  s’autoriser des passe-droits pour ça, nous allons dĂ©truire les sites qui nous accueillent Ă  la vitesse de la lumiĂšre. Attache ton chien dans les saisons de reproduction de la faune et quand tu traverses une pĂąture occupĂ©e. N’entre pas dans une pĂąture gardĂ©e par un patou. Évite de trop sortir des sentiers. Laisse ta putain de boom box Ă  la maison. Apprends avec les gens qui savent, demande aux locaux.

Tu as une dette immense envers les autres voyageurs et la communautĂ©. Fais tes premiers voyages avec quelqu’un qui a de l’expĂ©rience, Ne pars pas du principe que tu sais parce que tu as lu des trucs sur internet. Ne pars pas arrogant – il en va de ta survie. Dors en camping si tu ne te sens pas prĂȘt Ă  bivouaquer, que tu as peur du monde sauvage ou de mal dormir. Personne ne pensera que t’es un faible si tu fais ça. Au contraire, tout itinĂ©rant avec un minimum de bouteille te respectera infiniment plus si tu sais oĂč tu dois t’arrĂȘter. Y a pas de gloire Ă  se casser la gueule dans un ravin ou se cogner des engelures. Sache renoncer si tu te rends compte que c’est pas ta came. C’est pas un Ă©chec de te respecter et de laisser ça Ă  ceux qui y prennent vraiment plaisir. Et si tu me croises en montagne ou en forĂȘt, fais comme avec les ours, ne t’approche pas Ă  moins de dix mĂštres. Je ne suis pas lĂ  oĂč je suis parce que j’ai envie de socialiser.

Et enfin, tu as une dette immense envers tous ceux qui ont dĂ» quitter la route pour te la laisser. Si tu changes de tente pour en prendre une plus compacte et lĂ©gĂšre, essayes pas de revendre l’ancienne, refile-lĂ  Ă  un mec Ă  Calais qui s’est fait Ă©ventrer la sienne pendant une descente de police, ou au mec dont tu suspectes qu’il vit dans des chiottes publiques parce que tu vois parfois son costume pour les entretiens d’embauche accrochĂ© Ă  une porte. Si t’es prĂȘt Ă  accueillir un voyageur le temps d’un repas et d’une nuit, t’es prĂȘt Ă  aller donner de ton temps Ă  une soupe populaire et Ă  faire un don aux refuges pour les sans-abris. Si t’as assez de terrain pour amĂ©nager une aire d’accueil pour les cyclotouristes, tu peux aussi l’ouvrir aux gens du voyage (et si cette idĂ©e te bloque, demande-toi quel genre de biais raciste est en train de t’en empĂȘcher). Et si tu discutes avec une personne prĂ©caire qui voudrait partir mais qui peut pas, ravale bien ton Ă©litisme et propose-lui de lui prĂȘter ou donner ton matos ou de l’aider Ă  trouver des combines pour en trouver Ă  sa portĂ©e.


Une autre de ces « Lex Peregrinorum », qui avait court en Allemagne, celle-ci, statuait « Una pax omnibus necessarius est », autrement dit « une mĂȘme paix est nĂ©cessaire pour tout le monde ». Elle prĂ©voyait que tout voyageur, peu importe le motif de son itinĂ©rance, pas seulement les pĂšlerins, devait ĂȘtre garanti d’une mĂȘme protection contre les violences civiles ou d’Ă©tat. Toi je sais pas ce que t’en penses, mais en ce qui me concerne, je suis convaincue que la plus grande des dettes du voyageur c’est la solidaritĂ© et l’entraide avec les autres itinĂ©rants, quelle que soit la raison de leur itinĂ©rance. Ça va finir sur un patch, et le patch sur mon matos de voyage.

Bonne route!

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6 rĂ©ponses Ă  “Lex Peregrinorum : Una pax omnibus necessarius est.”

  1. Avatar de Paul Merlin 🍿

    @Morayner merci, belle lecture, ça revigore les neurones extĂ©rioristes ! 🙂

  2. Avatar de Nyafox

    @Morayner J'ai mis ton post de cotĂ© quand je l'ai vu pr le lire Ă  tĂȘte reposĂ©. Et mĂȘme si on a pas le mĂȘme passĂ© (j'ai grandit dans les montagnes, dans une famille qui considĂšre la bagnole comme un indispensable), mais pourtant , une grosse partie de ton texte rĂ©sonne trĂšs trĂšs fort pour moi.
    Parce que j'ai du mal à reconnaßtre les montagnes de mon enfance tellement mes lacs de montagnes jadis désert ressemblent à une zone commerciale à l'ouverture des soldes tellement c'est blindé de monde.
    BlindĂ© de gens qui considĂšre la montagne comme un du. Ils ont le droit d'ĂȘtre lĂ . Ils ont achetĂ© le matos. PayĂ© le guide parfois. Et oui, bien sur qu'ils ont le droit…

    1. Avatar de Morayner Blacksmith

      alors j’ai pas grandi Ă  la montagne per se, mais je suis pas exactement une citadine non plus : ma mĂšre Ă©tait en exode rural inversĂ©, la campagne lui manquait beaucoup et on s’y tirait dĂšs qu’on en trouvait l’occasion. Du coup j’suis pas une native montagnarde, mais j’ai quand mĂȘme passĂ© mon enfance Ă  y aller sĂ©journer, travailler avec les bĂȘtes, travailler dans la forĂȘt, etc. et je n’ai plus habitĂ© en ville que trĂšs sporadiquement depuis ma majoritĂ©. J’ai vu cette dĂ©tĂ©rioration en direct depuis la montagne oĂč je vivais, moi aussi…

  3. Avatar de rey
    rey

    Merci pour ce long post et ce blog que je dĂ©couvre au passage d’un retoot,

    Originaire du sud-ouest proche littoral, je ne connais pas un membre de la famille encore lĂ  bas qui ne tiendrais pas un discours quasi-similaire vis Ă  vis du tourisme de masse et de sa ribambelle d’effets nĂ©fastes (fonciers et logement Ă  des prix dĂ©ments, densitĂ© au mĂštre carrĂ© dans les sites, traffic et population * 1000, prix explosifs, villages et villes disneylandisĂ©s, etc.).

    Les gens se rabattent sur la montagne -et nous mĂȘme on se penche sur la question d’exporter les rassenblements familliaux entier en louant un truc ailleurs l’Ă©tĂ© – Ă  la fois car çà coĂ»te moins cher, mais aussi parceque mĂȘme si c’est envahi on est encore trĂšs trĂšs loin de la jungle du littoral atlantique l’Ă©tĂ©.

    Le dĂ©bat est sans issue, car c’est une relation de d’inter-dĂ©pendance dure qui se met en place, le tourisme de masse amenant une Ă©conomie taillĂ©e sur mesure pour accueillir toujours plus de tourisme. Et çà fait ch***, car il faut partager avec des gens qui sont lĂ  pour consommer les lieux, la culture en intraveineuse. Petit Ă  petit c’est un systĂšme Ă  double vitesse qui se met en place, il y a « les trucs pour les touristes », et puis « les trucs qu’on partage juste entre nous ». C’est moche, mais c’est de l’ordre de la survie pour les locaux.

    C’est pas simple, je fais partie de ceux qui vont prĂ©fĂ©rer voyager en France ces prochaines annĂ©es, je n’y connais queuds Ă  la rando en montagne ou sur la route, mais c’est vrai que çà me tente bien d’essayer avec la petite famille. Pas avec cette surenchĂšre d’Ă©quipements qui me fait penser Ă  toute cette merde qui s’est dĂ©veloppĂ© autour du « running/trail/etc. » mais surement avec un peu de confort quand mĂȘme. Je crois pas mal en la location, plus les voies « grand public » se dĂ©veloppent et plus j’imagine il sera facile pour des petits nouveaux comme nous de louer un Ă©quipement confort sans tomber dans la surenchĂšre d’achats dĂ©biles.

    1. Avatar de Morayner Blacksmith

      du coup devenir un des touristes à vélo dont je parle dans cet article?

      1. Avatar de rey
        rey

        Non je suis pas adepte d’insta/youtube et je crois pas une seconde Ă  ces conneries de « libĂ©ration par le voyage(yoga, voile, etc. remplace par ce que tu veux) » du moment que c’est du biz derriĂšre. Je veux juste faire çà en mode camping/Ă©tape et initier mes enfants Ă  une autre forme de voyage.

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